Le blocus de Berlin par les Soviétiques avait donné lieu au premier grand conflit entre les puissances victorieuses. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France avaient toutefois décidé de ne pas abandonner Berlin-Ouest et de ravitailler la population en produits de première nécessité par le biais du pont aérien, qui avait duré jusqu’à l’été 1949. Une décennie à peine plus tard, Berlin est à nouveau le théâtre d’une crise de la Guerre froide.
L’ultimatum soviétique de Berlin
Le déclencheur de cette nouvelle crise est un ultimatum du chef de l’État soviétique et premier secrétaire du Parti Nikita S. Khrouchtchev, transmis aux Alliés le 27 novembre 1958. Il y dénonce de façon unilatérale l’ordre international instauré depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Khrouchtchev donne six mois aux puissances occidentales pour se retirer de Berlin et transformer leurs secteurs en une ville libre et démilitarisée. Il menace en outre de signer un traité de paix séparé avec la RDA et de lui transférer les droits de contrôle sur Berlin, y compris ceux sur les voies d’accès. Les puissances occidentales, qui ne reconnaissent pas l’État est-allemand, y aurait vu une violation du droit international.
Le chef d’État soviétique garde pour lui ses véritables desseins. Il cherche non seulement à renforcer la RDA, mais aussi à ébranler la crédibilité du leader occidental, les États-Unis, et par ce biais à diviser l’alliance de défense atlantique, l’OTAN.
Les réactions de l’Ouest et l’aggravation de la crise
Les capitales occidentales sont toutes très divisées sur la réaction à apporter à l’ultimatum. Un seul point fait l’unanimité : il est hors de question de retirer les troupes de Berlin-Ouest. Les puissances occidentales tiennent aussi fermement à leur droit de libre accès à la ville. Le président américain John F. Kennedy réaffirme cette position en juillet 1961 dans ses trois principes ou « Three Essentials ».
La situation est désormais bloquée. Moscou et Washington brandissent tour à tour la menace d’une guerre. Jusqu’à cette escalade, l’Est et l’Ouest n’ont pas cessé de négocier. Après l’échec de la conférence des ministres des Affaires étrangères à Genève (1959) et celui du sommet des quatre puissances à Paris (1960), la crise de Berlin est au point mort lors de la rencontre au sommet américano-soviétique de Vienne (1961).
Le sommet de Vienne est un tournant dans les relations de l’Union soviétique et de la RDA : la crise économique et étatique en Allemagne de l’Est s’est tellement aggravée que les dirigeants du pays insistent toujours plus fortement auprès de Moscou pour barricader Berlin-Est. Ils veulent fermer le dernier passage possible en direction de l’Ouest. Le nombre de personnes fuyant la RDA explosant, Khrouchtchev autorise en juillet 1961 la construction du mur de Berlin, qu’il avait à l’origine refusée.
L’opération est organisée sous la direction de l’Armée rouge. Le 13 août 1961, les organes de RDA commencent à déployer des barricades en fil de fer barbelé et à couper du jour au lendemain les artères vitales de la ville. Les puissances occidentales ne veulent pas s’engager dans une guerre à cause de Berlin et réagissent prudemment. Parce que la population est en colère et déçue, les États-Unis envoient rapidement un signe : ils renforcent leur garnison d’une brigade. Parallèlement, le vice-président Lyndon B. Johnson se rend à Berlin-Ouest. De plus, Kennedy envoie un émissaire spécial, l’ancien gouverneur militaire Lucius D. Clay. Des patrouilles sont mises en place le long du Mur.
En octobre 1961, la situation s’exacerbe à Berlin. Le plus haut diplomate américain veut passer Checkpoint Charlie lorsque des gardes-frontière de RDA exigent son passeport. Sur ordre de Clay, les chars américains se déploient : le droit allié d’accéder à Berlin-Est sans contrôle de ce genre doit, si nécessaire, être imposé par la force. Des chars soviétiques se positionnent immédiatement de l’autre côté.
L’URSS tient visiblement au statut quadripartite de la ville – un signe envoyé à l’Ouest que l’on ne veut pas laisser s’envenimer le conflit. Les chars se font face 16 heures de rang. Finalement, la « confrontation des chars » est désamorcée grâce à l’activation de canaux secrets, dont Moscou et Washington se serviront à nouveau un an plus tard lors de la crise de Cuba.
Le risque d’une guerre nucléaire et le plan d’urgence pour Berlin-Ouest
La menace d’une guerre nucléaire pèse sur la seconde crise de Berlin. À la fin des années 1950, l’Union soviétique est devenue une puissance nucléaire, ce qui confère à son ultimatum berlinois un poids particulier.
Certes, son arsenal nucléaire n’est que partiellement opérationnel. Mais ce qui compte est la force de l’impact des informations et images des essais atomiques soviétiques diffusées à Paris, Londres et Washington.
Comparé au déploiement de l’Armée rouge et de l’armée populaire nationale (NVA) de RDA, la présence militaire des puissances occidentales dépasse à peine le seuil du symbolique. Ce déséquilibre des forces explique l’ordre militaire donné aux garnisons occidentales : tenir contre l’assaillant dans des combats de rue aussi longtemps qu’il faudra aux gouvernements alliés occidentaux pour décider de réactions militaires appropriées.
Pour éviter l’escalade sur la question de l’accès des Occidentaux à Berlin, l’OTAN met en place en 1959 l’état-major militaire « Live Oak » (Chêne de vie). Les connexions routières, ferroviaires et aériennes entre l’Allemagne de l’Ouest et Berlin-Ouest rendent les puissances occidentales particulièrement vulnérables. C’est bien ce qui avait déclenché la première crise de Berlin en 1948. « Live Oak » ébauche des scénarios de crise et recommande des mesures de rétorsion, comprenant des sanctions politiques et économiques, des opérations militaires et même le recours à l’arme nucléaire.
Une résistance se forme au sein de la société ouest-allemande confrontée au risque d’une guerre nucléaire. La campagne « Non à la mort atomique » et le mouvement des marches pascales remontent à cette seconde crise de Berlin.